Le message de paix des Évangiles ?!
« Ce que je vous dis là, mes enfants, je le tiens de M. le Curé, qui s’y connaît. »
George Sand, François le Champi, chapitre VI.
En cette Semaine sainte, derniers jours de carême précédant les célébrations pascales, temps bénits propices à la méditation et au recueillement, je vous propose de revenir aux fondamentaux et de parcourir quelques pages des Évangiles. Ces textes sacrés, à la source de toute spiritualité, ne constituent-ils pas une inépuisable mine de sagesse pour l’édification des petits et des grands ?…
[Toutes les citations (en gras et italiques) sont extraites de la Traduction Œcuménique de la Bible (Édition du Cerf, Paris 1988).]
Laissons donc notre âme s’abandonner à l’écoute de la bonne parole et au vénérable message d’amour des Saintes Écritures. Comme l’enfant de chœur confit en dévotion, notre gorge se serre déjà d’une onctueuse émotion et nous sommes prêts à essuyer quelque larme de religieux bonheur à la lecture des « Béatitudes », dès les premières pages de l’Évangile selon Matthieu : « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux. Heureux les doux : ils auront la terre en partage. Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés » (Mt 5, 3-5).
Mais la surprise est au rendez-vous quelques chapitres plus loin : « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais bien le glaive » (Mt 10, 34).
Vous avez compris ? Les Évangiles sont truffés de versets qu’on ne cite pas à la messe et qu’on ne trouve pas dans les missels de premières communiantes. Non pas la paix, mais bien le glaive, donc ; et soulignons que la citation n’est pas sortie de son contexte, car Jésus continue sur sa lancée : « Je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa maison » (10, 35-36). On ne saurait mieux enfoncer le clou !...
L’intention est encore confirmée ailleurs : « C’est le feu que je suis venu apporter sur la terre, et je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12, 49) ; et il semble, en effet, que les compagnons de Jésus doivent moins se soucier de chiffons que de se procurer des armes de guerre : « celui qui n’a pas d’épée, qu’il vende son manteau pour en acheter une » (Lc 22, 36).
Dans un autre registre, l’énigmatique « parabole des mines » n’est guère étudiée (ni enseignée) au catéchisme : elle raconte l’histoire d’un prince qui, avant de partir pour se faire consacrer, confie à ses serviteurs une somme d’argent que chacun devra faire fructifier en l’absence du maître. À son retour, le règlement de comptes s’avère pour le moins féroce : « Quant à mes ennemis, ces gens qui ne voulaient pas que je règne sur eux, amenez-les ici, et égorgez-les devant moi » (Lc 19, 27). On ne fait pas plus charmant…
Et tout le monde y passe ! Ainsi, on en apprend de belles sur la mère de Jésus : Or comme il [Jésus] disait cela, une femme éleva la voix du milieu de la foule et lui dit : « Heureuse celle qui t’a porté et allaité ! » Mais lui, il dit : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui l’observent ! » (Lc 11, 27) ; il faut donc se rendre à l’évidence : Marie n’a pas écouté ni observé la parole de Dieu. Voilà qui est embarrassant… Du coup, on comprend mieux cette réplique insolente du divin enfant à sa maman : « Que me veux-tu, femme ? » (Jn 2, 4). Le moins qu’on puisse dire, c’est que Jésus n’a pas vraiment le sens de la famille : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (Lc 14, 26).
Le Christ n’est, bien sûr, pas ignorant du second des commandements : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Mt 22, 37) ; oui, mais à condition qu’il ne soit pas juif : « Votre père, c’est le diable, et vous avez la volonté de réaliser les désirs de votre père » (Jn 8, 44), lance-t-il à ses coreligionnaires en plein temple ; les Pharisiens, en particulier, en prennent pour leur grade, traités d’ « hypocrites », de « serpents, engeance de vipères » (Mt 23, 33).
Et encore la liste des imprécations et autres coups de sang est-elle loin d’être exhaustive…
Je laisse aux théologiens (qui ont toujours réponse à tout) et aux ratichons illettrés le soin d’interpréter ces passages et de penser que je n’ai rien compris au message de Notre Seigneur et Sauveur… Rappelons simplement que l’interprétation n’est pas une science exacte. Un constat s’impose pourtant : les Évangiles ont aussi gardé le souvenir d’un Jésus guerrier, sectaire et révolté, plein de violence et de haine, que l’Église ne comprend pas ou cherche à travestir derrière des allégories ou des métaphores alambiquées. Alors, ça cogite ferme sous les calottes du Vatican, car il faut bien sauver la face (!) et garder l’image du « doux Jésus » bien propre sur lui, loin des pleurs et des grincements de dents (Mt 25, 30).
Mais laissons pour l’heure ces vertueuses éminences se dépatouiller avec leurs histoires de sexe et d’argent…
Allez, joyeuses Pâques quand même et bonne chance, François !
Capture d’écran du film Incendies (2011) de Denis Villeneuve : quelque part au Proche-Orient, un groupe de miliciens chrétiens (armés de kalachnikovs customisées avec des images saintes) massacre un convoi de civils musulmans.
Une prochaine fois, je vous parlerai du message de paix et de tolérance du saint Coran…